De la crise présidentielle libanaise...

Publié le par Samâan


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De droite à gauche: Saad HARIRI, fils du défunt et un des leaders de la Majorité du 14 Février, Hassan NASRALLAH, Leader du Hezbollah et Michel SLEIMANE, candidat unique et consensuel à la Présidence.


Une situation préoccupante. Voilà ce que les journaux occidentaux et moyen-orientaux, titrent depuis bientôt trois mois, sans que la situation au Liban n’ait changé, sans que le candidat Michel SLEIMANE, actuellement Chef des armées libanaises sur lequel tout le monde semble d’accord de manière consensuelle, ne soit élu à la tête de la Présidence de la République libanaise.

 

Vendredi dernier, un douzième report a été annoncé, coûtant au Liban, une nouvelle fois, une crise institutionnelle inédite, depuis les accords de Taëf de 1989, régissant l’application générale de l’actuelle constitution libanaise sur un mode communautariste, offrant aux chrétiens, le poste de Président de la République, aux sunnites, le poste de chef du gouvernement et aux chiites le poste de Président du parlement, selon des quotas précis et quasiment désuets au regard de l’évolution de la démographie libanaise.   

 

A croire l’opposition, c’est l’équipe au pouvoir qui servant les intérêts des Américains et d’Israël, entrave l’élection de Michel SLEIMANE  mais à croire l’équipe au pouvoir c’est l’opposition et ses alliés syriens, iraniens, qui sèment le trouble et la terreur parmi les rangs des parlementaires chargés d’élire un nouveau locataire au Palais de Bkerké.

 

La situation est donc quasiment bloquée, d’autant que les menaces d’en découdre avec les armes se font de plus en plus pressantes et notamment de la part de l’opposition, dont le mouvement de résistance Hezbollah, qui s’était déjà illustré lors de la guerre de Juillet 2006 en provoquant un conflit, en est une composante essentielle. Chaque camp s’arme tandis que le vide institutionnel s’instaure.

 

Le Liban reste donc dans l’impasse d’une nouvelle crise, donnant l’impression d’être entré dans un manège qui ne peut le guider que vers le renforcement des positions, l’intransigeance, la lutte armée, la destruction, le chaos.

 

Malgré toutes les initiatives entreprises par différents pays tels que la France, la Syrie, les Etats-Unis, ou encore récemment par la Ligue arabe, condamnant l’ingérence étrangère mais s’introduisant dans ces affaires, la situation ne peut être que paradoxale, à l’image d’un pays qui gère ses communautés de manière paradoxale. Un pays, qui sans réel pouvoir politique et influence, perd en crédibilité, laissant se développer les quelques groupes armés, qui déjà dans le passé avaient enflammé et détruit Beyrouth a coup de mortiers, de mines et de fusillades répétées.

 

Or, malgré les quelques institutions restantes dans ce pays qui malgré les quelques sentiments nationaux qui peuvent s’exprimer, donnent l’impression d’un voile cachant les divergences des particularismes religieux, l’état est partout et nulle part à la fois. Il n’a aucune force et reste affaiblit, soumis aux aléas des forces politiques libanaises divisées et aux ingérences étrangères dont les agents de renseignement sont nombreux et notamment à Beyrouth. 

 

Seule l’armée, guidée par Michel SLEIMANE depuis la victoire contre les islamistes du camp palestinien de Nahr Al Bared aurait pu réunir le Liban, créer son unité et sauver un des seuls pays arabes démocratiques.  Ce ne pourrait être qu’autour de l’armée, que l’unité libanaise aurait pu se créer, et que les ingérences étrangères auraient disparu, préservant la souveraineté et l’indépendance du Liban. Or le dernier attentat de décembre dernier contre celui qui aurait dû être le successeur du général SLEIMANE, François AL HAJJ, a montré cette fois, que même l’armée n’était pas à l’abri de toute attaque.

 

Néanmoins, qui a intérêt à ce Liban indépendant ? Les forces politiques libanaises ne sont que des pantins des puissances étrangères, sans réelle indépendance d’esprit. Sans indépendance d’esprit, comment peut-on être indépendant?

 

De même parmi les états préoccupés par la situation libanaise, qui a intérêt à ce que le Liban soit souverain? La Syrie qui estime que le Liban n’est juste qu’une continuité de son propre territoire et de sa Grande Syrie ? Les Etats-Unis qui ne rêvent que d’avoir un accès méditerranéen à leur projet de Grand Moyen Orient ?

 

L’Iran dont les velléités ne sont qu’une extension de sa propre influence religieuse chiite à travers le Hezbollah, et qui a intérêt à ce qu’un conflit armé éclate, pour mettre en exergue les quelques résistants armés et puissants d’un mouvement qui se dit national mais qui n’est qu’un mouvement communautariste ? ou encore la France, qui malgré toutes ses bonnes intentions sur le Liban ne pense qu’à préserver quelques bastions de la francophonie, de son passé de mandataire au Liban et de sa politique arabe au Moyen-orient, qui s’est quelque peu rigidifiée depuis l’accès au pouvoir de Nicolas SARKOZY.

 

On pourrait penser aussi à tous les pays arabes de la Ligue arabe. Ont-ils réellement intérêt à une indépendance du Liban ? L’Arabie Saoudite, dont les rivalités avec la Syrie sont apparentes et qui voit dans ce petit pays un moyen d’étendre son influence, de protéger la communauté sunnite dont elle se targue d’être la voix directe et la représentante étatique ?

 

Quelle naïveté de croire que les états veulent le bien du Liban, puisque c’est contraire à leurs propres intérêts. Le Liban n’est que la victime de l’hypocrisie de la politique internationale, d’ailleurs n’est-ce pas un pléonasme ?

 

Chaque pays en agissant dans son propre intérêt ne peut qu’aboutir à des alliances, des rivalités, des jalousies. Actuellement, chaque pays, chacun apportant leur petite contribution, font du Liban, une plateforme idéale pour un choc des civilisations, tant redouté. L’époque de la guerre d’invasion formelle que l’on voyait avant la guerre froide n’existe plus. Tout est réglementé. Il est difficile de se battre de manière directe avec un autre état du fait de la médiatisation, de l’immédiateté de l’information, des  tractations, des démarches, des intérêts économiques, bloquant les conflits directs d’état à état et laissant place à des conflits opposant des mouvements de résistance contre des états (par exemple le Hezbollah contre Israël).

 

La guerre froide n’est pas finie, elle n’était qu’une prémisse. Ce qui se passe au Liban, n’est qu’une nouvelle guerre froide, une guerre d’espionnage, de clauses secrètes, d’asymétrie d’information, une guerre médiatique. Or ce qui change avec le Liban,  exemple parfait de ce qu’est aujourd’hui la « guerre tiède », ce mouvement de déconstruction des états, plus que de réunion des états, avec l’apparition de mouvements de résistance, de sécession, ce sont les alliances se font sur un régime communautariste, par affinités religieuses ou presque. La Syrie, exemple parfait d’une communauté alaouite possédant le pouvoir et dont l’origine spirituelle se rapproche  des chiites représentés par l’Iran n’est qu’à l’image de cette nouvelle évolution.

 

Le Liban n’est qu’un terrain de jeu de charlatans désenchantés, qui face à une mondialisation montante, négligeant de plus en plus les concepts de nationalités et d’état-nation, se rassemblent autour de notions plus globalisantes telles que la religion et la définition de soi et des autres sur la recherche des caractéristiques d’un Dieu, dont l’existence n’est pas rationnelle. Aujourd’hui ce mélange d’intérêts politiques rationnels ( en fonction de ses intérêts) et passionnels (sur des fondements spirituels) est la principale cause de la prégnance d’un conflit, de massacres de population, de sectarisation et de l’installation de ghettos renforçant les identités, et la haine passionnelle de cet autre, qui n’a pas la même religion. Une lutte sans fin peut être mise en perspective et l’aboutissement ne peut qu’être catastrophique.  

 

Aujourd’hui, le Liban est l’épicentre des plaques tectoniques, d’une guerre de civilisations, qui s’exprime. Ce que l’Occident devrait comprendre c’est que cette guerre de civilisation, attisée par lui, ne pourra que rejoindre le chaos et aura des répercussions non pas seulement au Moyen-Orient, mais également dans d’autres foyers de tensions politiques, voire même à l’intérieur de lui-même.  

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